Séquence 2 - Chapitre 2

Alex.

J’étais complètement fou rien qu’en pensant à ce qu’elle pouvait bien penser de moi à cet instant précis. Et Edward qui ne voulait même pas me donner un indice! J’ai cru que j’allais le bouffer! Je pétais littéralement les plombs à l’intérieur tout en paraissant « normal » à l’extérieur. Bizarre cette condition de vampire, non? J’allais me rendre à l’évidence et dire à Edward que… que j’aimais… J’aimais Chloé mais je fus interrompu par Aly et quand il s’agit d’elle, Edward n’est jamais long à la détente… Le preux Chevalier et sa Princesse et le méchant Dragon (Victor)… Ces deux là s’aimaient comme un enfant aime le chocolat mais sans se l’avouer. Pas pour tout de suite mais ça ne tarderait pas… Je les enviais à agir naturellement pour l’autre sans qu’il y est cet… cet embarras ambiant et inérant à mes actes envers Chloé. Je ne sais jamais si j’ai bien agit ou si au contraire j’ai fait quelque chose de travers. Ca m’agaçais!

Je rentrais dans notre chambre peu après Edward et je m’assis volontairement loin de Chloé tandis qu’Edward s’était assis à côté d’Aly et lui tenait désormais la main. Il n’y avait que dans ma tête que Chloé agissait de même avec moi… Je serais seul avec elle, je l’aurais supplier. Je me serais même humilier de toutes les manières qui soient pour qu’elle me dise ce qu’elle éprouvait pour moi. J’aurais eu l’occasion de me damner étant humain, je l’aurais fait pour elle. Je ferais n’importe quoi pour elle! J’étais prêt à faire n’importe quoi pour elle. Je n’osais presque plus la regarder tant la vision de son corps me faisait mal aux yeux mais sentir son odeur… c’était pire que les flammes d’un bûché léchant mes membres soigneusement découpés et entassés sur le sol.

Elle avait eu besoin de ma peau froide pour apaiser un feu qui la brûlait mais moi, moi j’avais besoin de son feu pour faire renaître l’homme qui était en moi. L’homme que j’étais brûlait à l’intérieur d’un corps de vampire froid et vide. Si seulement elle pouvait comprendre ou me donner un indice pour que je sache ce qu’elle ressentait pour moi. Exerçais-je vraiment ce genre de torture pour satisfaire le besoin de savoir la vérité quand je la voulais à n’importe quel prix malgré le refus de ma… ma victime (puisqu’il n’y avait pas d’autre mot les concernant)? J’étais vraiment pire qu’Edward en ce qui concernait la monstruosité de nos personnalités… Je me faisais horreur. J’aurais presque aimé être à la place de Victor. Lui au moins allait se faire découper en morceaux puis se faire brûler. Il ne sentirait bientôt plus l’odeur d’Aly… Il ne sentirait plus rien du tout d’ailleurs. Moi… moi, je m’incendiais tout seul rien qu’en sentant l’odeur de Chloé. Je tournais mon regard vers la seule qui savait mes sentiments pour Chloé : Aly. Bien que je détestais qu’elle le sache, elle devait comprendre que j’étais en train d’endurer mille et une torture. Je savais que je regardais Aly avec le même regard que le premier jour où ce feu incandescent s’était manifesté. Je vis qu’Aly venait d’avoir une idée. Elle m’adressa un sourire à la fois réconfortant et encourageant. Je compris que je n’aurais pas de deuxième chance. Aly emmena Edward dehors. Celui-ci se laissa faire non sans se demander ce qui allait lui arriver mais il ne l’interrogea pas. Ils disparurent en fermant la porte. Chloé ne bougeant pas, assise en tailleur sur « mon » matelas, je me levais et m’agenouillais devant le lit. Chloé ne sourcilla pas à mon approche. Je levais ma main droite pour lui caresser le menton. Toujours aucune réaction. Mes doigts effleurèrent ses lèvres avec douceur. Ha! Elle avait réagi! J’avais senti qu’elle s’était mordu l’intérieur de la lèvre.

- Dis-moi… lui soufflais-je à l’oreille en ayant approché mon visage du sien.
- Quoi? répondit-elle dans un murmure en suivant le moindre de mes gestes du coin de l’œil.
- Tu le sais très bien... Répondis-je sur le même ton toujours en approchant mon visage du sien.
- Qu’est-ce que tu fous? Recules! S’écria-t-elle soudainement en faisant le geste de me repousser mais je la stoppais en me penchant d’avantage.

Malheureusement ou heureusement (tout dépendait si c’était pour moi ou pour elle) Chloé n’avait pas écarté son visage. En me penchant plus en avant, je « perdis » l’équilibre et mes lèvres se collèrent aux siennes. Chloé voulait me repousser pour couper notre baiser mais son geste manquait cruellement de volonté. Comme si, comme si son agressivité n’avait été là que pour m’empêcher de savoir ce qu’elle avait toujours ressenti pour moi, qu‘un simple masque qu’il suffisait de lui enlever… Ho! J’avais fini par savoir ce qu’elle cachait… Chloé avait cessé de lutter. J’aurais presque dit qu’elle était en train de me rendre mon baiser (ou alors je m’imaginait qu’elle me le rendait. Difficile de savoir car j‘étais trop occupé en cet instant). Entendant des murmures de conversation dans le couloir, je m’écartais de Chloé (non sans regrets) et me remis à ma place dans le fauteuil près de la fenêtre. Chloé me dévisageait j’articulais alors un « je t’aime » silencieux pendant que la porte s’ouvrait pour laisser rentrer Roméo et Juliette dans la chambre. Qu’avaient-ils fait? Je me le demandais. Je me souviens qu’Aly avait promit un long entretien à Edward mais ils n’étaient partis qu’une dizaine de minutes… Chloé eut juste le temps de hocher subrepticement la tête et de reprendre sa posture initiale. Néanmoins, je savais que ni elle ni moi, en cet instant, ne pouvait dissimuler quoique ce soit au talent si particulier d’Edward. Je me mis à défier ce dernier du regard mais il ne dit rien se contentant juste de m’adresser sourire en coin. Il savait ce qui c’était passé entre Chloé et moi peut être parce que Chloé avait du crier dans sa tête un tas d’injures à mon propos comme : « abruti » mais il me laissa garder ce moment pour nous comme s’il n’avait jamais eu la capacité de lire dans les pensées d‘autrui et je lui en fus reconnaissant. Je pris conscience du fait que j’avais était injuste envers Aly… après tout, c’est elle qui m’avait offert cette occasion d’ouvrir (enfin) la porte de mon cœur à Chloé. Aly avait beau être une sale petite peste quand elle le voulait, elle avait un cœur extrêmement bon et doux. Elle ne cherchait pas à blesser les autres bien au contraire, elle était plutôt un baume qui calmait et tentait d’apaiser des blessures en apportant du réconfort à celui qui en avait le plus besoin du mieux qu’elle pouvait. Aly débordait littéralement d’amour. Elle ne demandait que cela à la vie. Pas plus. Elle méritait qu’on la défende face à Victor et je commençais à comprendre pourquoi Chloé la qualifiait de sœur. Elles n’étaient pas sœurs par le sang mais les liens qu’il y avaient entre elles étaient quasi-sanguins.

Edward.

La situation était des plus étranges: Aly était doté d’un esprit impénétrable et Chloé semblait capable de se défendre face à des créatures bien plus rapides qu’elle… c’était bien la première fois que je rencontrais un duo tel que le leur… un duo humain qui plus est. J’avais passé des années et des années à rencontrer des gens divers - généralement vampires - dont certains étaient capables de faire des choses incroyables: télékinésie, pyrokynésie ou télépathie tout comme moi. Mais ces deux là dépassaient mon entendement: les chances qu’un humain soit doté de don était déjà mince alors deux, cela relevait presque de l’impossible. Je fus tiré de mes pensées lorsqu’Aly m’attrapa par le bras afin de nous faire quitter la pièce laissant ainsi Alex et Chloé seule à seul.

Malgré la présence d’Aly à mes côtés - présence qui m’aurait fait trembler si j’en avais été capable - il m’était impossible de ne pas entendre les pensées d’Alec à l’intérieur de la chambre. Il était comme fou. Il semblait se consumer de l’intérieur comme si un feu ardent naissait grâce à ses sentiments envers Chloé. Il était prêt à se lancer, il ne tarderait pas à tout lui avouer. Je me concentrais finalement sur Aly et, caressant sa joue avec mon index, je lui disais d’une voix tendre:

- Je donnerais tout pour pouvoir lire tes pensées.

Un sourire timide naquit sur son visage, mêlant ainsi en elle la crainte mais aussi l’envie. J’aurai tout donné pour pouvoir déposer un baiser ne serait-ce que sur sa joue mais j’avais bien trop peur de m’emporter et de lui faire du mal. Je me contentais donc de la contempler tout en caressant sa peau perlée. Je me demandais ce qu’elle pouvait bien songer à cette instant. Ne bougeait-elle pas parce qu’elle était rêveuse ou bien parce qu’elle avait peur de moi? J’espérais au plus profond de moi que le monstre que j’étais ne pourrais jamais la blesser mais, malgré moi, une voix dans ma tête ne cessait de me mettre en garde contre ce mal qui contrôlait mes pulsions. Rien que son odeur me mettait hors de moi ; non pas que ce soit de la colère, mais l’envie, l’ivresse de son sang battant dans ses veines me rendait fou, fou d’elle. Je me demandais alors comment Alex, lui qui n’avait pas le même régime alimentaire que moi, se débrouillait pour faire ainsi confiance à sa nature profonde. Je craignais qu’il lui fasse du mal dans un élan de démence mais je savais que je percevrais toute anomalie dans son comportement dès qu’il déraperait… ou plutôt « si » il dérapait.

Ainsi, je me contentais de cacher mes désirs au plus profond de moi sans pour autant refuser d’avouer à Aly que je tenais à elle plus qu’à la prunelle de mes yeux. Je donnerais ma vie pour elle, je lui donnerais tout pour que son cœur puisse battre encore et encore, pour que je puisse voir ses yeux émerveillés, ses pommettes rosir, son sourire me déstabiliser.

Cependant, bien que ma contemplation ne dura que peu de temps, je me laissais aller un instant et déposais un doux baiser sur ses lèvres tièdes et tremblantes. Je me retirais aussitôt, de crainte de lui faire du mal. Dix minutes avec elle avaient suffi à me faire perdre mes résolutions… je craignais que passer plus de temps avec elle ne me fasse perdre la tête.

Je perçus alors l’esprit chamboulé de Chloé de l’autre côté de la cloison. Je songeai alors qu’il était tant de rentrer. Je détachais, non sans regret, mon regard de celui d’Aly et l’attrapait par la main afin qu’elle m’accompagne à l’intérieur.

Aly.

Moi aussi j’aurais tout donné pour qu’il en soit capable. Qu’il soit capable de lire mon cœur et les mots qui s’y cognaient brutalement et s’y étranglaient à chaque fois qu’il posait ses yeux ambrés sur moi. Je répondis.

- Si tu en avais été capable, aurais-je éveillé en toi cet intérêt que tu me portes?
- Là n’est pas la question Aly. Il y a certes ce point qui m’attire à toi mais il n’y a pas que ça… Me répondit-il.
- Alors quoi? Demandais-je mais Edward resta silencieux.

Il restait planté devant moi en me caressant la joue de l‘index. La crainte que j’avais de lui ne résidait pas dans sa nature profonde de vampire. J’aurais préféré, à l’instar de Victor, que ce soit lui qui ait envie de boire mon sang voire qu’il se baigne dedans. Cette crainte là n’était rien en comparaison de la peur qui m‘étreignait le cœur et le broyait dans un étau à l’idée qu’il me refuse son amour… Lorsqu’il déposa ses lèvres sur les miennes, je sus que j’avais fermé les yeux comme pour mieux goûter ce moment. Je serais volontiers restée suspendue à ses lèvres tout comme j’avais bu ses paroles le jour où il avait récité inlassablement la tirade de Roméo en cours de Littérature... Il coupa ce moment trop brutalement, ça avait été si fugace que je cru avoir rêvé ce baiser alors que j’étais parfaitement réveillée. Je rouvris les yeux et découvris qu’Edward avait tourné la tête vers la porte de la chambre où Chloé était restée avec Alex. J’ajoutais rapidement le sentant prendre ma main pour me ramener à l’intérieur :

- Quand bien même tu aies peur de me faire mal à cause de ta nature de vampire, je sais que tu peux passer outre pour peu que tu le veuilles vraiment, je le sais. J’ai confiance en toi Edward! On arrivera jamais à rien si on n’essaye pas. A quoi sert ce baiser si on ne pousse pas l’expérience plus loin? Dis moi Edward à quoi ça sert qu’on soit aussi proche si tu estimes que cette proximité est déjà trop dangereuse pour moi à cause de toi! Si tu t’estimes tellement dangereux pour moi, n’aurais-tu pas déjà dérapé? Tu es capable de te contrôler! Laisse-nous au moins une chance d’exister...

J’aurais presque pleuré en disant ces mots si je n’avais pas été anesthésiée par notre baiser. J’eus l’impression qu’Edward ne m’avait pas écoutée mais juste avant de rentrer à l’intérieur de la chambre il changea brusquement la position de sa main ,qui m’agrippait le poignet, et entrelaça ses doigts avec les miens en pressant doucement sa paume fraîche contre la mienne. Une promesse? Je l’espérais…

Je rentrais dans la chambre flanquée par Edward et mon regard se porta automatiquement sur Alex. Comment éviter son air béat? Il avait un sourire des plus stupides collé au visage, j’aurais presque eu envie de lui coller une baffe… Oui, presque mais je n’en fis rien. Que c’était-il passé pour qu’il soit dans cet état? Et puis cette lueur qui brillait dans ses yeux… De la gratitude? Chez Alex?! J’aurais tout vu… et pourtant… Je savais qu’il me remerciait… d’une certaine manière tout du moins. Je regardais alors Chloé. Elle remuait les lèvres cherchant à articuler ou à sortir un son cohérent sans y parvenir toutefois… Comme en état de choc. Je me retournais alors vers Alex et lui dis :

- Tu n’as quand même pas osé ?
- Ce n’était qu’un baiser… Commença-t-il pour se défendre ou se justifier mais, je le coupais.
- Ce n’était peut être qu’un baiser mais regardes un peu dans quel état elle est ? Tu ne sais donc pas y aller doucement ?
- …Aly, laisse… Je… Je m’expliquerais avec lui. Me demanda Chloé en cherchant un moyen de retrouver un certain calme.

Je cédais à sa demande bien que je n’en avais pas envie. Pas tant qu’Alex n’aurait pas eu la correction qu’il méritait mais encore une fois, je n’en fis rien. Si Chloé avait quelque chose à lui reprocher, ce n’était pas à moi à le faire.

- Mouais… Grommelais-je en m’asseyant sur le lit en me mettant en tailleur, les coudes en appui sur mes cuisses et la tête entre mes mains.

Je poussais un soupir et me laissais tomber brutalement en arrière. Ma tête rebondit sur l’oreiller et je fixais le plafond blanc crème de la chambre. Couleur qui me faisait pensé au teint d’Edward… Depuis le baiser d’Edward tout était sans dessus dessous dans ma tête… Edward se pencha au dessus de moi et demanda encore une fois de sa voix si douce :

- A quoi penses-tu?
- A tout et à rien… Répondis-je en restant dans le vague. Puis j’ajoutais. Et aussi au fait que le campus était anormalement vide lorsque que l’annonce de la rencontre sportive a été faite... Je me dis que ce n’était peut être pas un hasard après tout. Victor aurait très bien pu calculer son coup dans les moindres détails… Dis-je non sans frissonner à cette idée.
- C’est possible oui…
- Quoi? Qu’est-ce qui est possible Edward? Intervint Alex visiblement intéressé par notre conversation.

Edward lui répéta ce que je venais de dire.

- Aly pense que peut être son attaque n’avait pas été laissée au hasard. Et que Victor aurait pu tout planifié depuis longtemps…
- Elle a pas tord sur ce fait. Je veux dire à propos du campus. Il était désert quand on est rentré et qu’on a vu Chloé seule dans la cour qui donne l’accès au bâtiment 3...
- Puis il y a aussi l’expression de Victor lorsqu’il m’a vu et reconnu. On aurait dit qu’il m’attendait…
- En plus il convoite Aly … ( « au moins autant que tu l’aimes »)
- Je sais tout ça, Alex.

Qu’avait ajouté Alex pour qu’Edward soit soudainement exaspéré et dépité? Je ne cherchais même pas à savoir la réponse. Mes yeux se fermaient à moitié et je sombrais une nouvelle fois dans ce rêve étrange qui montrait l’affreuse mise en scène de Victor… Ne pouvant plus lutter, au fur et à mesure que je sombrais dans la réalité de mon rêve, je laissais échapper un « non » à l’intention d’Edward préférant me sacrifier plutôt que de le voir souffrir.

Chloé.

Me retrouver seule avec Alec me rendait quelque peu nerveuse mais sur le moment j’avais pensé qu’Aly avait quelque chose à dire à Edward. J’étais plongée dans mes pensées, songeant à la capacité que je venais de découvrir. Etais-je juste capable d’éviter les attaques ou bien était-ce une histoire de rapidité? Hum, bizarre tout ça.

Je l’entendis me dire un « dis moi… » auquel je me contentais de répondre « quoi? ». Je ne le quittais pas des yeux, observant sa bouche bouger au fur et à mesure qu’il énonçait ces quelques mots. Chacun des sons qu’il émettait était comme des notes de musique à mes oreilles attentives. Chacun de ces gestes semblaient aussi doux et gracieux que j’aurai pu me croire dans un rêve. Tout semblait parfait en lui, même son haleine fraîche me faisait perdre pied. Ses yeux émeraudes semblait aller et venir de mon visage à mon corps, comme s’il y cherchait quelque chose. Nos visages se rapprochaient dangereusement alors que je ne bougeais pas. Je réagissais donc et m’exclamai:

- Qu’est-ce que tu fous? Recules!

Je tentais de le faire reculer en avançant mes mains vers son torse mais cela ne fit que l’encourager car il se pencha un peu plus. Mes doigts sur son corps commencèrent à perdre de leur sensibilité comme s’ils avaient été anesthésiés, sujets à une drogue délicieuse. Il sembla laisser court à une pulsion et colla ses lèvres aux miennes avec passion. Mon cerveau commanda alors à mon corps de refuser ce rapprochement mais je ne tardai pas à me laisser aller à mon tour en lui rendant son baiser glacé et pourtant qui me brûlait de l’intérieur. Pourtant, il s’écarta, reprenant place dans le fauteuil, me laissant alors à mes pensées embrumées. Mon cœur battait encore la chamade quand Aly et Edward entrèrent dans la pièce. Mon amie ne tarda pas à s’énerver sur Alec mais je la résonnais en lui disant que je m’en chargerais le moment venu. Mais que pourrais-je bien dire? J’étais tout bonnement incapable d’expliquer ce que j’éprouvais et encore moins capable de l’avouer. Je me sentais faible rien qu’à l’idée de songer à laisser ma carapace de côté mais d’un côté je songeais que me lancer me permettrait de me sentir soulagée d’un poids.

J’écoutais alors le trio discuter du comportement de Victor. Avait-il vraiment planifié son coup? Brrr, je ne le pensais pas si futé. Il avait plutôt l’air d’être une personne qui fonçait dans le tas et qui n’avait rien dans le crâne. Peut-être était-ce une simple façade pour mieux manipuler son monde et s’écarter de tout soupçon. Je me levais alors et posais ma main sur l’épaule de mon amie pour la réconforter. Je connaissais bien sa mauvaise habitude à tout encaisser et à se reprocher les choses qui ne la concernait pas. Elle aimait protéger, elle ne supportait pas de voir les autres souffrir et j’étais persuadée qu’Edward n’échappait pas à la règle, bien au contraire. Je passais finalement mon bras autour de ses épaules afin de la serrer contre moi tandis qu’elle soupirait, plongée dans ses étranges pensées.

Edward sembla alors surpris par un élément extérieur et nous lança:

- Mince, on va devoir en rester là pour ce soir… ouvrant la fenêtre, il ajouta pour Alex, aide les à rejoindre leur chambre, il arrive.

Alex arqua un sourcil mais sembla comprendre où il voulait en venir. Nous le suivîmes sans broncher sans savoir ce qui se tramait. Nous enjambâmes la fenêtre et ce ne fut qu’à cet instant que je me rappelais que nous étions au deuxième étage. Le vertige me submergea, m’empêchant ainsi de me mouvoir. Le vide s’offrait à nous, le béton se trouvant plusieurs mètres plus bas sous nos pieds. Je déglutis, pris de panique. Je sentis alors l’étreinte assurée d’Alec qui m’avait attrapé par la taille tout comme il l’avait fait à Aly. Ce fut avec une grande surprise que je le sentis me soulever - nous soulever - sans sourciller et sauta dans le vide. Je fermais les yeux, prête à vivre mes derniers instants, songeant à mon corps brisé par le choc sur le bitume mais rien ne se produit. Lorsque je rouvris les yeux, je me rendais compte que nous étions devant le bâtiment, non loin d’un lampadaire qui éclairait l’entrée. Nous étions entier, sans la moindre séquelle. Aly semblait plus sereine que moi comme si cela lui paraissait anodin. Son sourire me réconforta quelque peu mais je me sentais affaiblie, comme si mon corps ne m’obéissait plus.

- Respire Chloé. Respire.

Ce ne fut que lorsque j’entendis les mots d’Alec que je me rendais compte que je tremblais et que je ne respirais plus, d’où mon impression de malaise. Prenant enfin une bouffée d’air je demandais à Alec:

- Pourquoi on a du partir? De qui il parlait Edward?
- Le pion arrivait et on a pas le droit de recevoir des personnes dans nos chambres… surtout pas des filles.

Un sourire malicieux se dessina sur son visage montrant qu’il se réjouissait d’avoir ainsi dupé le surveillant chargé de faire régner l’ordre et le calme dans les dortoirs. Nous nous dirigeâmes ensuite vers l’extérieur de l’enceinte, quittant le béton pour rencontrer la terre battue.

Nous nous éloignions des lieux fréquentés par les gens adeptes de la vie nocturne: je remarquais d’ailleurs que la majorité étaient des jeunes ayant un peu abusé de la bouteille et peut-être également de la fumette. Ils avaient l’air d’être dans leur monde et se contentaient de rire à gorge déployée tout en se mettant de grand bourrade dans le dos. Ce spectacle quelque peu pitoyable me fit sourire, me rappelant les fêtes que nous avions pu faire Aly et moi avec nos amis en France.

Une idée me traversa alors l’esprit. Depuis que nous étions arrivée, nous avions visiblement oublié que nous étions hors de notre pays d’origine et pourtant nous n’avions jamais eu le problème avec la langue. C’était comme si elle était venue à nous. Nous avions visiblement moins de difficultés que nous le pensions avec l’anglais. Bien sûr, nos discussions avec nos chers vampires se tenaient en français mais il me tardait que les cours reprennent pour pouvoir entendre les gens parler cette langue que j’aimais tant.

Nous nous retrouvâmes au fond d’un jardin public, loin de l’éclairage trop puissant d’un réverbère. Dans cette semi obscurité, je commençais à réellement me calmer tout en observant le ciel étoilé au-dessus de nous. Sans prévenir, Edward arriva devant nous, nous faisant toute deux sursauter alors qu’Alec ne bougea pas… c’était agaçant de voir les gens apparaître comme ça! Bon après tout j’allais pas lui demander de porter une cloche autour du cou pour l’entendre arriver mais bon quand même.

Mes pensées firent échapper un sourire à Edward, qui me dit alors:

- Désolé d’être aussi rapide.

Visiblement cela l’amusait de pouvoir bouger assez vite pour qu’on ne le voit pas se mouvoir. Il était déjà près d’Aly, sa main frôlant celle de mon amie comme s’il craignait de la lui briser en tentant de la lui tenir. Je ne m’attardais pas sur ce détail et m’asseyais sur le banc situé juste à côté de moi. Repliant une de mes jambes pour la poser sur le banc, je commençais à tapoter mon genou avec mes doigts comme je le faisais toujours dès que j’étais en proie à trop de calme.

Nous passâmes un moment à discuter des plans étranges de Victor. Nos deux acolytes nous conseillèrent alors de ne pas traîner seules pour ne pas faciliter la chasse à ses vampires amateurs de football américain. Il fallait être fou pour vouloir rester seul dans des conditions pareilles n’empêche! Mais bon, l’attention était quand même là et nous acquiesçâmes à leur requête sans broncher. Ils nous expliquâmes également ce qui était vrai ou non à propos des multiples légendes à leur sujet. Alec était un vrai moulin à parole et semblait heureux de pouvoir enfin déballer toutes ses histoires et ses connaissances en la matière. Malheureusement pour nous, le sommeil me rattrapa et je ne tardais pas à tomber dans les bras de Morphée.

A mon réveil, je me trouvais dans mon lit. Je ne me rappelai pas être revenue dans ma chambre alors j’en conclus qu’on m’y avait porté. Je passais une main sur mon visage pour me réveiller, tentant de faire partir les brumes du sommeil puis me levait. Aly ne tarda pas, elle aussi, à faire surface et se contenta de s’étirer de tout son long tout en se décrochant la mâchoire en baillant. Pffiou quelle nuit!

Après nous être douchées et habillées, nous revînmes à notre activité favorite: discuter de tout et surtout de rien. Tandis que j’attachais mes cheveux à l’aide d’un élastique, je dis à mon amie:

- ça faisait longtemps que j’avais pas passé une nuit aussi agitée.

Un rire m’échappa et ce fut dans cette atmosphère joyeuse et décalée que nous commençâmes notre journée. Le temps était couvert mais le froid et la pluie était bien loin contrairement à la veille. Il était temps de prendre un bon petit-déjeuner et, cette fois-ci, ce fut Aly qui me devança. Son estomac se mit à gronder avant même que nous ayons passé la porte de notre chambre. Une fois de plus je me mis à rire, encaissant le coup quel me donna dans l’épaule en guise de vengeance, et lui emboîtait le pas vers le réfectoire.

Contrairement aux autres jours, les gens ne nous dévisagèrent pas et ne se mirent pas à parler à voix basse tandis que nous passions à leur côté. Notre présence finissait quelque peu par paraître normal aux yeux des autres étudiants. Je pris rapidement ce qu’il me fallait pour déjeuner, prenant tout de même soin de ne pas oublier le café qui me réveillerait pour de bon.

La lumière extérieure n’étant pas assez forte, les néons de la pièce avaient été allumé pour éclairer la pièce. Nous nous dirigeâmes vers une table au hasard et, malgré moi, je cherchais déjà du regard ceux avec qui nous avions passé la soirée. Je sentis une présence dans mon dos et manqua de faire tomber mon plateau. Une main le retint sans faire tomber quoi que ce soit, - même le café disposé dans une tasse ne sembla pas tanguer - . Je levais les yeux et me retrouvais face à un regard émeraude qui me fit automatiquement sourire. A ses côtés, Edward discutait déjà avec Aly tout en dévoilant une belle rangée de dents blanches comme s’il avait la plus belle chose au monde devant ses yeux. Il était fou d’elle ça y’avait pas de doute. Alec me lança un timide « salut » comme s’il se demandait si c’était approprié. S’en était presque mignon le connaissant.

Edward.

Hum, encore une journée banale dans mon monde de vampire… la veille avait été quelque peu bouleversante pour moi car je m’étais surpris à me laisser aller à mes sentiments, chose qui m’étais jusqu’alors inconnue. La seule chose qui m’avait fait reprendre mes esprits avait été l’arrivée inattendue du surveillant qui avait cru entendre du bruit venant de notre chambre. Bien sûr, il n’avait rien trouvé à part un élève seul en train de réviser, attablé à un bureau. Ma capacité à lire les esprits me permettait de réagir en fonction des caractères et je savais qu’agir ainsi n’attirait aucun soupçon. Il était donc parti sans se douter que le trio était parti en sautant par la fenêtre. Malgré la confiance totale que j’avais en Alex, j’avais peur qu’il arrive quelque chose à Aly. C’était comme si sa présence m’était devenue vitale. Elle était mon oxygène, ma raison de vivre. Pour la première fois depuis notre rencontre, nous discutâmes toute la nuit comme si de rien n’était, riant ensemble et partageant nos idées sur notre condition de vampires, sur les légendes et tout ce qui s’y rapportait. La conversation avait beau tourner autour d’un thème peu commun, elle n’en était que plus agréable car nous étions réellement détendus et prêts à nous ouvrir pour partager nos appréhensions, nos espoirs, nos craintes…

Je ne dormis pas cette nuit là… de toute façon cela faisait bien des années que je n’avais pas dormi car cela m’était devenu impossible. Les vampires ne dormaient jamais, ne rêvaient jamais: tel était notre malédiction. Je restais à contempler le monde qui s’offrait à moi sans compter les heures qui passer car celles-ci n’avaient plus beaucoup de significations pour moi (qu’est-ce que des heures quand on vit des siècles?!).

Au petit matin, Alex et moi reprîmes notre illusion habituelle, faisant mine d’être fatigués en sortant de nos chambres et en nous dirigeant vers les douches. De même, bien que nous ne mangions pas comme les humains, nous nous dirigeâmes vers le self afin de passer pour des gens normaux aux yeux de tous et pour mieux cacher notre statut de carnassiers. Nous jouions la comédie depuis que nous étions vampires, nous n’étions qu’une façade pour le monde. Cependant, la rencontre avec Aly m’avait apporté à nouveau une dose d’espoir car je pouvais me montrer tel que j’étais (supposant quelques limites néanmoins) sans qu’elle ne me juge. J’aurai tant voulu lire ses pensées pour être sûr qu’elle ne me haïsse pas au fond d’elle. De temps en temps, je scrutais les pensées de Chloé pour trouver des réponses mais elle semblait ne pas réellement penser aux dangers que nous étions pour elles. Était-ce de la naïveté ou bien de la confiance? Je ne savais pas réellement car ses raisonnements étaient quelque peu étranges et, de plus, le fait que son esprit soit toujours couvert par une musique n’arrangeait pas les choses. Je songeais sérieusement à parler à Chloé pour mieux comprendre ses raisonnements, ce qui me permettrait par la suite de la comprendre et donc de comprendre Aly. Alex, lui, pensait que je réfléchissais trop. Il considérait qu’elles étaient des personnes de confiance et était visiblement persuadé qu’elles ne nous cachaient rien. Il était parfois plus intuitif que moi (sûrement parce qu’il n’avait pas de capacité télépathe donc il avait appris à faire sans) et son avis m’importait beaucoup.

Quoi qu’il en soit, je n’allais pas rester là sans rien faire, il fallait que je parle avec Aly afin qu’elle m’apprenne tout d’elle. Je voulais la connaître, savoir tout ce qu’elle aimait mais aussi découvrir ce qui l’effrayait afin de l’en protéger. Rien que le fait de penser à elle me menait dans un état étrange mêlant angoisse, bonheur, envie… était-ce donc le lot des humains normaux qui tentaient d’offrir leur cœur à celles qu’ils désiraient?

Comme à son habitude, Alex commença à discuter de tout et de rien tandis que nous marchions dans les couloirs. Le parfum subtil d’Aly arriva à mes narines, m’indiquant qu’elle ne se trouvait pas bien loin. Seuls quelques mètres nous séparaient sans pour autant que nous nous voyions encore. Ce ne fut qu’en pénétrant dans le réfectoire que je l’aperçus, déjà assise à une table tandis que Chloé semblait s’acharner à remplir son plateau comme si elle faisait des réserves. Toutes deux avaient le sourire ce matin et je ne tardais pas à faire de même, me dirigeant vers leur table. Je ne regardais même pas ce que faisait Alex, sachant pertinemment qu’il avait pris une autre direction pour aller vers Chloé. Je posais alors ma main sur l’épaule d’Aly et lui souriait naturellement. Visiblement surprise, elle failli échapper son beignet, ce qui me fit échapper un rire léger. Elle était si belle lorsqu’elle était gênée que ça en était presque enviable. Si seulement elle avait été consciente de son charme!

Chloé et Alex nous rejoignirent juste après cet « incident » et la tension entre ce dernier et Aly commença à monter. Ces deux-là ne pouvaient pas se supporter et ne manquaient pas de le faire remarquer. C’était à celui qui avait le dernier mot. Je profitai de cet instant d’inattention pour scruter les pensées d’Alex puis de Chloé. Mon compère vampire cherchait visiblement à taquiner Aly sans vouloir réellement l’embêter comme les premiers jours ce qui me rassura. De l’autre côté, Chloé riait gaiement, trouvant la situation assez cocasse et semblait confiante quant à l’issu de cette discussion pimentée.

La matinée commença avec des tensions mais tout ceci retomba lorsque nous entrâmes en cours de Français. Aucun de nous quatre n’avait de problèmes avec cette langue (nous avions eux l’éternité pour l’apprendre et la parler et, de leur côté, les filles ne faisaient que parler leur langue d’origine) ce qui nous permettait de ne pas nous concentrer sur le cours. De toute manière, j’aurais eu bien du mal à me concentrer sur quoi que ce soit d’autres qu’Aly à cet instant. Elle ne semblait pas avoir conscience que j’étais dangereux pour elle. J’aurais pu lui dire de ne plus m’approcher car elle craignait pour sa vie mais j’en étais incapable. Mon instinct et mes pensées se mêlaient pour mieux se rejeter par la suite, empêchant tout raisonnement logique. Il m’était par conséquent impossible d’expliquer, pour l’instant, mes craintes à Aly.

Comme je l’avais prévu, notre professeur de français ne cessa de poser des questions à Aly afin de vérifier son niveau et, d’après ses pensées, je compris qu’il l’appréciait déjà malgré le fait qu’il ait commencé sur de mauvaises bases. Il songeait déjà aux copies qu’elle allait pouvoir lui rendre sans une seule faute de tournure de phrases… en clair, il partait dans des délires de professeur dont il était le seul à pouvoir comprendre cette idée. C’était assez drôle d’ailleurs de lire ses pensées saugrenues à ce propos.

D’un autre côté, j’étais surpris d’entendre les pensées d’Alex à son propos. Alors qu’il était toujours réticent à son propos, aujourd’hui il s’offrait comme une personne curieuse et visiblement intéressée par son langage parfait. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas entendu quelqu’un parler aussi bien français. Chloé, elle aussi, parlait le français à merveille mais elle n’avait pas le petit plus d’Aly. Celle-ci était plus poétique dans ses propos, plus réfléchie alors que Chloé était d’un naturel impulsif et disait ce qu’elle pensait sans mâcher ses mots… ceci expliquant bien sûr pourquoi elle plaisait tant à Alex et vice-versa. Nous formions un quatuor assez inattendu il fallait bien l’avouer car nous avions chacun des raisons de nous opposer. Vampire contre humain, poète contre impulsif, et… homme contre femme. Nous avions beau être des vampires cela ne nous empêchait pas, en effet, de ressentir de l’assurance pour celle qui nous semblait destiner. Elles étaient comme du miel que l’on aurait voulu goûter même si cela nous était formellement interdit. Nous avions également des différences plus discrètes Alex et moi. Alors que je m’efforçais de cacher mes sentiments pour ne pas blesser Aly, Alex ne pouvait contrôler ses pulsions et n’attendait que le moment où il se retrouverait seul avec Chloé pour lui déclarer sa flamme espérant qu’elle partage réellement sa passion. Il se consumait d’un feu ardent sans mot dire, et moi de mon côté je me figeais tel une statue emprisonnée par les âges et les tourments. Lequel de nous deux avait le bon comportement? Difficile à dire car nous avions peut-être chacun des raisons de nous considérer comme irresponsables de part nos attitudes.

Alex.

Jouer la comédie ne me posait pas vraiment de problème car j’aimais attirer l’attention sur moi. Cela était sans doute dû à mon talent mais j’aimais lire les émotions qui se peignaient sur les visages des élèves mais plus encore sur celui d’Aly. Ses émotions étaient si vives et puissantes qu’elles en devenaient renversantes, me clouant presque sur place. Je comprenais sans peine ses sentiments envers Edward car ils étaient semblables à ceux que j’éprouvais pour Chloé : un immense bûché qui consumait la moindre de vos entrailles d’un désir aussi ardent que le sable d’un désert, soleil au zénith. Néanmoins, ceux d’Aly avait quelque chose en plus : une sorte de résignation malgré la tristesse qui faisait briller ses yeux à l’idée qu’Edward lui refuse son cœur. Au moins, elle acceptait les deux possibilités malgré la souffrance qu’elle endurerait si la deuxième hypothèse se confirmait au lieu la première qu’elle désirait ardemment. J’aurais très bien pu révéler à Edward les sentiments qu’Aly avaient pour lui mais cette histoire les concernait tous les deux, je ne devais pas m’en mêler même si j’avais dis à mots couverts à Edward de ne pas trop traîner… Libre à lui de m’écouter ou non. Il pouvait certes anticiper les réactions des autres mais je connaissais mieux que lui la personnalité émotionnelle des gens qui nous entouraient. C’était parfois beaucoup plus stressant qu’une incapacité à pénétrer l’esprit d’une seule personne car personne ne sait véritablement cacher ses émotions… Aly n’y parvenait pas et Chloé semblait les dissimuler plus ou moins bien selon le jour mais quant à connaître sa globalité émotionnelle… ça m’était encore impossible mais, j’espérais y parvenir un jour ou l’autre lorsque Chloé se déciderait à s’ouvrir un peu plus… J’étais en train de demander la lune mais qu’importe, elle était tout ce que je désirais découvrir ou plutôt, redécouvrir. Redécouvrir une humanité jusque là oubliée de nous autre vampires car il était clair que nous étions nés d’humains… sur le point de mourir mais des humains tout de même et une part des besoins ne s’était pas effacée… et du coup, elle refaisait surface avec une vigueur nouvelle qui créait l’ambiance particulière des toutes premières fois. C’était à la fois fascinant et terriblement effrayant. Désirer l’autre, avoir envie de répondre à ses besoins tout en gardant le contrôle nécessaire qu’exigeait notre condition était un gros problème. Edward étant plus « vieux » que moi en tant que vampire, j’imaginais sans peine que ç’en était deux fois plus difficile pour lui de céder à la part d’humanité qui subsistait en lui malgré son envie, il ne pouvait pas, il ne voyait pas comment concilier les deux sans faire de mal à Aly. Je le comprenais mais ne pouvais hélas rien faire pour l’aider quant bien même je l’aurai voulu de toute mes forces que ça n’aurait rien changer au problème. C’était à lui seul de trancher la question.

Reportant mon attention sur notre tablée, je partageais l’humeur guillerette de Chloé qui raillait Aly à cause de son estomac qui gronda sa faim dès qu’elle fût levée. Je me demandais soudainement si ces choses là me manquaient. Mis à part l’impossibilité pour nous de dormir, de rêver, de respirer, de rougir, de s’évanouir et quelques autres choses nous n’avions pas grand-chose à envier aux humains. C’est vrai qu’on pouvait les considérer de haut, les mépriser jusqu’au dernier sans la moindre distinction et pourtant, ce n’était pas le cas. Edward et moi avions été ,jusqu’à l’arrivée des filles, indifférents à la société humaine sans jamais être méprisants pour autant.

A leur arrivée, nous tentions - tant bien que mal - de maintenir notre indifférence, de ne pas leur prêter attention mais, elles avaient gagné la partie. Je croyais désormais dur comme fer au fait qu’elles étaient les deux seules humaines capables de nous faire regretter notre nature d’immortel. Notre simulacre de normalité était bien fade en comparaison de l’envie qui nous rongeait maintenant… Elles désiraient presque être comme nous et nous, nous voulions redevenir comme elles. Redevenir de simples humains aux existences placides et simples. Notre longue existence avait été bien calme avant qu’elles n’arrivent. Du jour au lendemain nous nous retrouvions tous les 4 plongés dans des rapides qui nous mèneraient droit à un précipice si nous ne faisions pas plus attention. Il fallait espérer que cette situation durerait un temps et qu’après, l’eau redeviendrait calme… J’espérais que les choses iraient dans ce sens mais je ne me faisais guère d’illusions. Victor était déjà un énorme problème et il serait loin d’être le dernier. Edward le devinait autant que moi et c’est une des raisons qui le poussait à rester muet envers Aly. J’engageais la conversation avec Edward par la pensée alors que j’étais en cours avec Chloé.

« Dis-lui. Dans l’état actuel des choses ça ne peut pas être plus dangereux que ça ne l’ai déjà. »
« Tu te trompes, Victor sait déjà que je tiens à elle du fait que je sois venue lui porter secours… si en plus il sait qu’il y a plus que ça, je n’imagine même pas ce que ça sera si on en vient à se battre… Je préfère qu’elle ne sache pas mes sentiments profonds pour le moment tout en lui montrant qu’elle peut toujours compter sur moi quoiqu’il lui arrive. Je n’arrive pas à me résoudre à l’exposer plus qu’elle ne l’est déjà…»
« Je sais bien que c’est périlleux comme situation Edward… mais Victor doit se douter que tu tiens beaucoup plus à elle que tu ne veux le montrer. Les yeux peuvent trahir quelqu’un aussi sûrement que ses paroles… »
« Je sais! Mais Victor n’est pas mon premier problème, tu le sais aussi bien que moi. J’ai beau savoir qu’Aly n’est pas effrayée par ce que je suis, je ne cesse pas de me demander si c’est réellement ce qu’elle pense de moi. Et puis, elle est si fragile… Je ne veux pas lui faire de mal. Comparé à sa douceur et à son amour, je ne suis qu’un monstre insensible et froid. Je ne la mérite pas Alex! »
« C’est là que tu te trompes Edward. »
« Comment ça? Expliques toi bon sang! »
« Tu sais bien que ce n’est pas à moi de t’expliquer ce qu’elle a sur le cœur.»

Je n’obtins qu’un assentiment mental grogné de sa part suite à mes mots. Je savais qu’il n’arrivait pas à trouver un moment, le moment propice pour entamer cette fameuse discussion avec Aly. Edward n’étant plus décidé à parler de son problème, je me concentrais à nouveau sur ma leçon plus chamboulé que je ne l’aurais souhaité. Mais j’éviterais de penser à leur problème désormais. Notre professeur s’absenta quelques minutes à la fin de la première heure nous accordant un petit repos. C’est alors qu’une fille de notre classe se dirigea vers la paillasse que je partageais avec Chloé. Elle me regarda en biais puis baissa les yeux, je devais l’intimider car je sentais sa peur. Elle s’adressa à Chloé et je fus surpris de la raison de sa visite.

- Hi Chloé. I think you don’t remember me but, my name is Jenny. I’m Kyle’s girlfriend. But that’s not why I’m here. I’d like to know if you’d like going out with us this weekend with Alec, Aly and…
- Edward? Termina Chloé car cette Jenny n’avait apparemment pas retenu le prénom de mon « frère ». Jenny reprit son petit blabla.
- Oh yeah that’s his name, Edward! So, would you like coming with us?

Chloé hésita à lui répondre franchement. Elle m’interrogea du regard et je lui souris. Ca ne nous gênait pas de sortir - même si c’était avec des humains autre que Chloé et Aly. A dire vrai, tant qu’elles étaient là, cette sortie promettait d’être agréable… - Prenant mon sourire pour un oui, Chloé répondit qu’elle acceptait et qu’elle en parlerait à Aly et Edward dans les plus brefs délais... Visiblement ravie, Jenny s’en alla et le professeur arriva alors qu’elle avait tout juste regagné sa place puis, le cours reprit pour une nouvelle heure. Chloé se retourna légèrement vers moi et me demanda.

- Tu es sur que ça ne pose aucun problème cette virée de classe? Je veux dire pour vous deux…
- Non, et puis vous devez profiter de votre humanité Aly et toi. On viendra pour surveiller qu’il n’y ait aucun accident... Nous prendrons nos propres précautions avant de venir ne t’en fais pas.
- D’accord.

Puis elle refit pivoter son tabouret de l’autre côté alors que le prof arrivait vers notre paillasse pour surveiller notre avancement dans le TD du jour. Je lui tendis notre travail alors qu’il me le demandait accrochant un sourire assuré sur mon visage. Il n’émit aucun commentaire pendant sa lecture mais plusieurs fois, il fit claquer sa langue de façon approbatrice et me rendit nos notes sans avoir plus d’expression sur le visage qu’à son arrivée. Il était bientôt l’heure de sortir et de retrouver Edward et Aly à la sortie de leur cours. Chloé s’ennuyait et je perçus le début des protestations de son estomac. Je lâchais un petit rire et Chloé sourit aussi en dévoilant ses dents blanches nullement gênée par les protestations de plus en plus sonores de son estomac.

Chloé.

Heureuse comme jamais ce matin là, je ne cessais de rire malgré l’agacement d’Aly lorsque Alec lui parlait. Décidemment, ces deux là ne s’entendraient jamais! Peut-être qu’un jour ils finiraient par se battre, qui sait? Alec et moi étions plein de vie ce matin là et pour une fois nous rigolâmes ensemble, discutant comme si nous nous connaissions depuis des mois. J’étais enfin détendue en sa présence et oubliais même ce qui s’était passé entre nous. Mieux valait ne pas se tracasser pour ça après tout car ce ne ferait que nous causer des problèmes. En revanche, la relation qu’entretenaient Aly et Edward me paraissait étrange. Ils semblaient si proches et pourtant quelque chose les empêchaient de se détendre quand ils étaient l’un en présence de l’autre. C’était comme si ils restaient devant un feu qu’ils avaient peur de toucher. Bizarre mais bon c’était leur affaire et pas la mienne.

Le cours de français se passa assez vite. Je manquais d’échapper un rire malin en voyant à quel point le professeur harcelait Aly de question, appréciant apparemment son « accent parfait » comme il le disait si bien. Je me mordais la lèvre pour ne pas montrer mon amusement mais échappait un sourire espiègle en croisant le regard d’Alec qui me le rendit. Décidemment, ce matin était bien calme. C’était la première fois que je m’amusais autant depuis que nous avions mis les pieds en Angleterre. Une fois le cours terminé, le quatuor que nous formions se dirigea vers le couloir. Aly et moi échangeâmes quelques mots avant de nous séparer pour aller à nos cours d’option respectifs.

Alec et moi nous assîmes à la même paillasse et, pour une fois, nous concentrâmes sur notre travail. Au début du cours, il fut plus discret comme s’il songeait à quelque chose mais je passais outre et me concentrais sur les journaux fournis par notre professeur qui nous parlait de la crise économique avec une ferveur étonnante: au moins ce prof savait rendre intéressant ses cours! Une heure plus tard, je regardais notre prof s’absenter afin de s’offrir une pause café, puis me rendis compte qu’une élève avançait dans notre direction.

Jenny? Ah oui je me rappelais bien de ce visage fin accompagné de longues boucles brunes qui tombaient gracieusement sur ses épaules. Ses yeux noirs se posèrent sur moi comme si elle cherchait mon attention puis elle me parla de la fameuse sortie organisée le week-end qui arrivait. J’avais en effet entendue parler de cette sortie qui se déroulerait à Ipswich situé non loin de la mer. Jenny semblait ravie de me voir accepter de venir et s’en alla pour revenir à sa place. Que comptaient-ils faire là bas? Je n’en savais absolument rien mais je n’étais jamais contre une sortie entre amis… même si le terme « amis » n’était pas très approprié vu que je ne connaissais pas les trois quart des élèves. Il faudrait bien que l’on s’intègre un jour après tout. Et puis de toute façon, rien que l’idée de faire une sortie avec Aly, Alec et Edward me réjouissais. Nous pourrions enfin discuter et nous détendre en dehors de l’enceinte du bâtiment. Mon estomac finit par faire des siennes et se mit à crier famine: « famine! Famine! ». Un sourire malin se dessina sur mon visage tandis que j’échappait un petit rire. J’étais une vraie morfale… et alors, j’assumais! Cela ne manqua pas de faire rire Alec d’ailleurs.

Une fois dans le couloir, nous retrouvâmes « Roméo et Juliette » et nous dirigeâmes vers le self afin de remplir nos estomac et surtout le mien. Alors que nous entrions dans la pièce, l’un après l’autre, je croisais le regard de Jenny qui me décrocha un large sourire en nous faisant signe de venir manger avec nous. Je regardais Aly, sceptique, et écoutais Edward nous dire à voix basse sur un ton malicieux:

- Vous allez pas avoir peur d’une petite troupe d’élèves hein?

Bien évidemment Alec ne put s’empêcher d’ajouter son grain de sel en disant:

- Ben si, c’est des froussardes.

Par réflexes je lui mettais un coup dans les côtes mais me faisant plus mal qu’autre chose. Il se contenta d’hausser les sourcils de façon arrogante et me murmura ironiquement « oh j’ai mal ». Je levais les yeux au ciel et attrapais un plateau que je remplissais en vitesse et m’asseyais à côté de Jenny qui semblait toute heureuse de se retrouver avec les fameuses françaises à sa table. Étions-nous un phénomène de foire?

Aly prit place à côté de moi, les garçons se mettant en face de nous. Ils avaient beau ne pas manger comme nous, ils remplissaient leur plateau et faisaient mine de manger. Du moins ils avaient quelques techniques. Ils découpaient, piquaient avec la fourchette et se mettaient à parler juste avant de porter à la bouche leur nourriture. Ainsi, il profitaient de l’inattention de leur interlocuteur pour replacer le tout dans leur assiette, refaisant en vain le même stratagème. A force de découper leur viande, cela donnait l’impression qu’il y avait moins de nourriture dans leur assiette. De plus, leur charme naturelle semblait les aider dans cet art du mensonge. Doués!! Personne ne semblait remarquer le petit stratagème à part moi… j’étais peu être trop attentive à leurs gestes après tout. De mon côté, je finissais mon assiette sans laisser la moindre parcelle de nourriture. Pffiou j’avais bien mangé au moins.

Jenny ne cessait de parler, Kyle faisant de même, nous harcelant de question concernant la France et tout ce qui s’y rapportait. Ces deux-là étaient de vrais moulins à parole, nous laissant à peine le temps de leur répondre. N’aimant pas qu’on m’oppresse ainsi, j’échappai un rire et leur dis en tendant mes mains dans leur direction, paumes ouvertes comme pour faire une barrière.

- Oh stop ! Stop! Let us give you an answer.

Le couple se regarda, partageant un sourire gêné mais plein de malice puis Jenny me répondis:

- Sorry, we’re so excited. It's amazing to have french students here. I love the french language but I don't understand what you say when you are speaking. Can you tell me something in french please?

Visiblement Jenny n'était pas de ceux qui passaient par quatre chemins pour vous demander les choses. Elle disait tout ce qui lui passait par la tête - le problème étant qu'elle pensait trop xD. De mon côté j'avais également tendance à faire la même chose mais j'avais la manie de m'auto modérer en me vannant toute seule. J'aurais pu avoir une discussion toute seule que cela n'aurait surpris personne. Vous avez dit bizarre?

Je regardais Aly, cherchant quelque chose à dire à Jenny et une idée me vint. Je me retournais vers le couple et leur dis:

- C'est l'histoire d'un mec qui arrive au supermarché qui...

Aly se rua littéralement sur moi, plaqua sa main sur ma bouche et commença à me morigéner:

- Mais ça va pas? Arrêtes tu vas pas leur raconter ça !
- Ben quoi ils auraient rien pigé de toute façon. répliquais-je le sourire aux lèvres.

Aly avait déjà les joues qui avaient viré au rouge alors que j'étais déjà prise d'un fou rire qui se transmis à l'ensemble de la tablée. La bonne humeur avait détendu tout le monde et je remarquais que nos deux compères vampires avaient même engagé une conversation avec des élèves de notre classe. Ils savaient se fondre dans la masse et le faisaient avec une aisance étonnante ; s'en était presque déroutant.

De notre côté, Aly et moi tentions d'apprendre au jeune couple des phrases et expressions en français mais ce n'était pas choses aisées car ils avaient un accent bien prononcé et avaient du mal à prononcer certains sons. Je leur demandais par exemple de dire "la rue" et "la roue" mais aucun de ces deux mots ne semblaient possibles à prononcer pour eux ce qui déclencha notre hilarité à tous une fois de plus.